Samedi 13 novembre 2010 à 17h30
Par Mme le lieutenant-colonel Annick JACQUART.
Extraits de la Conférence donnée à l’U.P.T.C.
Dès la préhistoire, tout en maîtrisant le feu, leur peur, et donc en créant des clans, les Hommes
ont observé le mouvement des astres dans le ciel, nourrissant ainsi leur esprit et leur corps.
Observer le ciel reste donc un des
premiers réflexes de l’Homme depuis l’Antiquité.
Ainsi toutes les civilisations
anciennes, de la Chine à l’Amérique précolombienne, des Indes à l’Europe occidentale, ou encore de la Mésopotamie aux empires arabes et africains, ont cherché à déchiffrer le sens que pouvaient donner, à la vie des hommes,
les phénomènes célestes.
L’Homme, être conquérant, poussé par
son esprit de découverte et de domination (et par la pression démographique qu’il engendre) a donc tendance à occuper le maximum d’espace disponible pour s’implanter
sur terre - quitte à se risquer dans un milieu nouveau et inhospitalier…..mais la Terre saura-t-elle nourrir tous ces humains ?
Si les peuples
polynésiens naviguaient à l’œil nu grâce aux étoiles, de multiples facteurs ont favorisé cette conquête des mers et des océans :
- les premières puissances maritimes de l’antiquité
- les puissances coloniales, du XVème au XXème siècle, ont pour leur part
cherché à développer la navigation astronomique
- enfin, les puissances militaires de toutes les époques y trouvèrent un instrument
au service de leurs ambitions.
L’accès à la mer
apporte l’ouverture sur le monde dans toute sa diversité.
Après avoir apprivoisé le feu, après
avoir voyagé jusqu’aux confins de la terre, après avoir vogué sur toutes les mers, l’Homme s’est senti invité par l’air, quatrième élément de ses conquêtes : invité
à s’élever.
Le rêve d’Icare, la machine volante ou
la vis aérienne de Léonard de Vinci sont peut-être les manifestations les plus anciennes de cette volonté de s’élever encore plus haut. Car depuis longtemps, l’Homme sait que,
pour voir loin, il est avantageux de prendre de la hauteur.
Les connaissances techniques ont permis de développer des solutions :
- Les ballons à air chaud au XVIIIème siècle, grâce à la connaissance des
propriétés des gaz.
- Au XIXème siècle, les ballons captifs ou les dirigeablesqui donnaient à un
observateur la possibilité de voir loin.
- Après la bataille du plus léger que l’air, celle du plus lourd que l’air : au
début du XXème siècle avec Clément Ader, puis les Frères Wright et Blériot, et enfin les aviateurs durant la 1er guerre mondiale.
- La 2ème Guerre mondiale mettra en valeur l’impérieuse nécessité de la maitrise
des airs.
Ainsi l’Homme, dans sa quête de
découvertes, s’est donné les moyens d’aller toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus loin. Fasciné depuis toujours
par l’immensité spatiale. Atteindre les étoiles devenait alors une obsession. Qu’on se rappelleCyrano de Bergerac, Jules Verne, Casimir Coquilhat… Mais c’est surtout en 1914 qu’émergent les
prémices de l’astronautique, avec le Russe Constantin Tsiolkovski(1857-1935).
Ces visionnaires influenceront Robert Esnault Pelterie, Robert Goddard, Hermann Oberth, Werner Von Braun. Mais c’est le lancement d’une
R7-Semiorkia, le 4 octobre 1957, et la mise sur orbite du satellite soviétique Spoutnik 1 (compagnon), mis au point
par Sergei Korolev et son équipe, qui marquent le début de la conquête spatiale à proprement parler.
Dans le contexte de la guerre froide, les politiques et militaires soviétiques poursuivent un
double objectif : la volonté d’aller dans l’Espace va de pair avec la maitrise croissante dunucléaire qui caractérise alors les relations
internationales.
Le 1er février 1958, trois mois
après le lancement de Spoutnik et l’envoi de la chienne Laïka, les militaires américains - qui ont récupéré et développé la technologie de Von Braunet de son
missile V2 - lancent leur premier satellite, Explorer 1. Rapidement, le président Eisenhower préfère que le programme spatial ne soit plus
sous contrôle militaire, ce qui débouche, le 1er octobre 1958, sur la création de la N.A.S.A..
En 1961, tout s’accélère. Le 31
janvier, les Américains réussissent pour la première fois à faire revenir vivant le singe Ham d’un voyage spatial. Les Soviétiques réussissent un coup, le 12 avril, en envoyant leur
cosmonaute, Youri Gagarine, faire un premier vol orbitald’1 h 40 durant lequel il fait une fois le tour de la Terre.
Les Américains envoient alors Alan Shepard, le 5 mai, faire un vol
suborbital.
Le 25 mai, le président
américain John Fitzgerald Kennedy annonce, lors d’un discours devenu historique : « Notre pays doit se vouer tout entier à cette entreprise : faireatterrir un
homme sur la Lune avant la fin de la présente décennie et le ramener sain et sauf sur la Terre. »
Le véritable évènement se produit le 21 juillet 1969quand la mission Apollo 11, réalisée
par Neil Armstrong, Michael Collins et Buzz Aldrin,permet à deux hommes de marcher sur la Lune et de ramener sur
Terre les premiers échantillons de sol lunaire.
En France, sous l’impulsion du Général de Gaulle qui souhaite mettre en œuvre une stratégie spatiale
française et s’affranchir de la suprématie américaine, est finalement créé 1er mars 1962 le C.N.E.S. Le 26 novembre 1965, la France, avec sa
fusée Diamant-A, devient la troisième nation au monde à posséder un lanceur capable de mettre sur orbite avec succès un satellite, Astérix.
Le 31
mai 1975, l’ESA est créée pour redonner un nouvel élan au projet spatial européen après les 7 échecs de la fusée européenne Europa. Le
premier décollage d’une fusée du programme Ariane a lieu le 24 décembre 1979depuis la base de Kourou en Guyane française. Aujourd’hui, après les versions 1, 2, 3
et 4, Ariane 5 est devenu le fer de lance de l’Europe…. Cette gamme de lanceurs sera complétée courant 2011, au Centre spatial de Kourou, par le
lanceur Soyouz, et le petit lanceur Véga (1.5t).
En 50 ans, l'espace est devenu le
théâtre de formidables prouesses technologiques. Véritables anges gardiens de l'espace, les satellites ont révolutionné notre vision de la planète.
Mais il y a 40 ans, le risque d’une
exploitation belliqueuse, avec la mise en place d’armes nucléaires ou de destruction massive, a fait l’objet d’un traité relatif au contrôle de la militarisation de
l’espace. Plus que la guerre de Malouines en 1982, la guerre du Golfe en 1991 faisait entrer définitivement l’espace dans le quotidien des soldats.
De nouveaux débats ont mis en évidence
l’importance de ce milieu pour le recueil et l’exploitation de l’information, denrée stratégique de plus en plus décisive. L’espace est désormais un lieu particulier dont un État
peut profiter pour développer son économie, agrandir son prestige et bien sûr affermir sa puissance.
Aussi, pour assurer sa sécurité et ses
responsabilités internationales, la France doit disposer de capacités d’anticipation, d’évaluation des crises et de conduite des opérations, et donc maîtriser le milieu spatial. L’utilité de
l’espace pour la Défense et la Sécurité n’est plus contestée.
Pourquoi aller dans l’Espace ?
Au service de la Terre, il est devenu un pilier de notre civilisation (connaissances et applications). L'espace dépasse les frontières nationales, linguistiques et
culturelles.
La banalisation des satellites
detélécommunications s’est généralisée, vous les utilisez déjà tous. L’emploi
de récepteursGPS ou Glonass pour accéder à des informations précises de positionnement et de temps (synchronisation des réseaux) se généralise dans le monde, civil
comme militaire. Demain (vers 2014) le système européen Galileo fournira aux États membres de l’UE des capacités en matière de sécurité et de défense similaire au
GPS.
Ainsi, comme l’ont fait l’électricité,
le pétrole ou l’atome, l’espace s’introduit dans le quotidien sans qu’on s’en rende compte.
Les satellites nous font découvrir un jardin planétaire en pleine ébullition avec des océans
qui enflent, des déserts qui progressent, des mégapoles qui envahissent tout, des forêts qui partent en fumée, des continents qui craquent, des glaces qui fondent, des cyclones qui s'affolent,
des oasis qui se gorgent de sel….
En scrutant la Terre depuis l’espace,
nous prenons petit à petit conscience de saglobalité, mais aussi de sa fragilité et des « empreintes » que l‘activité humaine lui fait
subir.
L’observation satellitaire permet de
mieux décrire les processus physiques complexes, en étudiant les nuages et les aérosols. Elle constitue un outil inégalé desurveillance des évolutions climatiques réelles (anomalies de
températures, augmentations du niveau des mers et océans). Autant de stéthoscopes géants pour les scientifiques qui se penchent au chevet de notre planète malade.
Enfin, la recherche spatiale a permis d'importantes percées technologiques telles que les téléphones portables, l’IRM, le cœur
artificiel, la chirurgie Laser, la télémédecine, les transports, la sécurité publique, des biens de consommation allant de la couverture de survie aux lunettes de ski, les ressources
environnementales et l'information (télé-enseignement).
Omniprésent et imprégné dans le tissu
de nos vies, l’Espace est devenu quasi invisible.
Pourtant, jusqu’à présent les activités spatiales elles mêmes ne se relèvent guère dudéveloppement durable. Un demi-siècle
d’exploration spatiale a généré une pollutionconsidérable et les scientifiques se posent sérieusement le problème de la gestion des dizaines de millions
de déchets spatiaux en orbite autour de la terre.
L’avenir des activités spatiales en
orbite en dépend. C’est pourquoi la surveillance des activités spatiales devient prépondérante.
Regards vers le cosmos
Premier visible, notre
« jardin cosmique » : le système solaire où explosent les découvertes. Le soleil et son cortège de corps célestes ont vu le jour il y a
plus de 4.5 milliards d’années. Tout a commencé par la condensation, la compaction d’un gigantesquenuage de gaz et de poussières. L’onde de choc d’une
supernova a pu déclencher la formation du système solaire; il s’est créé une sorte de grumeaux de matières plus denses. Ces zones plus concentrées ont commencé à se resserrer de plus en
plus.
Sous l’effet de la
gravitation, le rapprochement s’est poursuivi et l’échauffement a fini par être
tel que des réactions de fusion thermonucléaires se sont déclenchées. Le nuage, entourant le jeune astre, s’est aplati pour former un disque.
Arrivé à une taille critique, chaque
corps commence à avoir sa gravité propre. Cette phase (qui correspond au bombardement des planètes par les météores) s’est poursuivie pendant 700 millions d’années.
Progressivement, le système solaire s’est vidé de ses astéroïdes et de son gaz, repoussant ces vestiges aux confins de son influence. Il est devenu plus calme, de sorte que depuis 3,8 milliards
d’années, les planètes ont cessé de grossir et leur orbite s’est stabilisée.
La formation des planètes telluriques (Mercure, Vénus, la Terre et Mars) n’a duré que quelques milliers d’années. Sur Terre, le grand bombardement météorite aurait apporté l’eau nécessaire à
l’éclosion de la vie.
Les planètes géantes
gazeuses sont toutes les 4 entourées de systèmes complexes de satellites et d’anneaux ; elles
possèdent toutes un noyau rocheux.
· Jupiter,
la planète géante de référence est un véritable sujet d’étonnement, tout comme sa lune Europe …qui pourrait abriter la vie.
· Saturne,
le seigneur des anneaux est un véritable laboratoire d’études des interactions gravitationnelles. Et parmi ses quelques lunes, Titan et Encelade pourraient être des havres de vie…
· Uranus,
· Neptune.
Mars abrite le plus grand volcan du système solaire (Olympus Mons de 27 km d’altitude) ainsi que le plus grand canyon (Vallée
Marineris). De taille trop petite (la moitié de la terre), Mars a laissé échapper le CO2 de son atmosphère et son volcanisme s’est arrêté. Comme la Terre, Mars a une période de rotation
de 24heures (37mn et 22sec) et des calottes polaires.
Des étoiles et des hommes
La recherche des origines de
l’Univers, est née d’un questionnement existentiel, voire mystique. Mais dès lors qu’elle est entrée dans la sphère de la science, elle a adopté les
principes de rationalité et de reproductivité.
Il faut
attendre Copernic (1473-1543) pour voir émerger l’hypothèse de la rotation de la Terre et des planètes autour du Soleil. Après Giordano Bruno, l’histoire
retient Galilée (1564-1642), promoteur de la lunette astronomique, découvreur du relief de la Lune, des principaux satellites de Jupiter, des phases de Vénus et de la
présence d’étoiles dans la Voie Lactée.
Enfin Kepler (1571-1630)
établit les lois mathématiques qui régissent les mouvements des planètes sur leurs orbites. En 1668, Newton invente le principe du télescope.
Aujourd’hui, la pollution lumineuse que nous engendrons nous oblige à sortir de l’atmosphère avec des instruments
spatiaux, pour « voir » les astres sans «voile».
En 1990, le satellite Hubble révèle l’astronomie
spatiale au grand public et va révolutionner notre perception de l’Univers.
Comment s’est donc formé
l’Univers ?
Les grandes structures se seraient formées à partir de
perturbations dans la distribution de la matière au sein du ce tout jeune Univers. Ces perturbations sont aujourd’hui perceptibles grâce au rayonnement cosmique, qui est ce
qui reste du grand flash de lumière produit 380 000 ans après le Big Bang.
Ensuite, un seul phénomène physique
donne naissance à quasiment tous les astres de l’Univers: c’est l’accrétion, qui est un mécanisme d’agglomération de la matière parattraction
gravitationnelle.
Autour de zones noires, des
grumeaux apparaissent ainsi que des galaxies et des étoiles. Les structures d’amas et de superamas de galaxies s’illuminent et s’agglutinent autour de filaments.
Toutefois, si ce modèle standard de la
cosmologie dit du « Big Bang » a atteint un degré de précision sans précédent, de nombreuses questions fondamentales restent ouvertes. Nos capteurs ne connaissent que
4% de la matière : 23% appartiendrait à la « matière noire » et 73% à « l’énergie noire ».
Nous connaissons les objets célestes
principalement par l’analyse de leurs rayonnements, qui permet d’évaluer la température, la composition chimique et la vitesse de l’astre étudié.
Sommes-nous seuls dans l'Univers?
Aujourd’hui, les exobiologistes tentent
de répondre rationnellement.
Mars (qui
autrefois aurait abrité de l’eau), Europe (lune de Jupiter qui possèderait un océan souterrain de glace), Encelade (lune de Saturne, avec
d’extraordinaires geysers), sont des planètes de choix pour rechercher la vie.
Les scientifiques cherchent à en savoir
plus sur la frontière qui sépare le monde minéral du monde biologique.
Le système solaire est-il unique dans l'Univers?
Dès le 17ème Siècle, Huygens suggérait qu’il y a
peut-être des planètes hors du système solaire. En 1995, la découverte par Michel Mayor et Didier Queloz de Peg 51b,
une Jupiter dite « Chaude » à moins de 5% de distance Terre-Soleil, ouvre la voie à la recherche d'exoplanètes.
Mais il n’est pas aisé de découvrir une planète
à l’échelle de la Terre. Il faut faire appel à des techniques dites d’optique adaptive (Une retombée est le dépistage préventif de la DMLA, Dégénérescence
Maculaire Liée à l’Age !). A ce jour, la découverte d’une foison d’objets (presque 500, dont 49 systèmes multiplanétaires) démontre la très grande diversité des
paramètres des planètes (masse, distance, excentricité des orbites). On estime à 60 000 le nombre de planètes telluriques évoluant dans la zone habitable d’étoiles tranquilles et
susceptibles de développer la vie dans notre galaxie, la Voie lactée.
Jusqu’où irons-nous dans l’Espace?
L'exploration du système solaire est
comparable aux voyages des grands navigateurs de l'époque de Christophe Colomb ou Magellan. Il
suffit de 8 minutes pour atteindre l’Espace avec une navette et seulement 20mn sont nécessaire pour en revenir. Mais les séjours dans l’espace perturbent la physiologie humaine. Notre organisme
se trouve confronté à l’absence de pesanteur, au confinement des vaisseaux et aux rayonnements cosmiques. Il semble que l’Homme s’adapte assez vite à ces nouvelles contraintes.
Aussi, eu égard aux risques
(rayonnements) et aux difficultés techniques (propulsion, gestion de la vie) pour ces explorateurs du XXIème siècle, cette étape humaine de vol habité sera précédée par
des missions robotiques, et pour Mars par le retour d’échantillon avant « l’amarsage » d’un être vivant.
Par ailleurs, il devient évident que le
problème du tarissement des matières premières sur Terre se posera un jour. Or, on en trouve en quantité dans l’espace.
L’effort à venir portera sur les
véhicules de lancement réutilisables, les voiles solaires (tel Ikaros), les missions interplanétaires complexes. Après avoir surtout été une affaire de prestige, l’Homme dans l’espace est
devenu un symbole de la coopération internationale.Pour les partisans des vols habités, il ne doit pas y avoir de
limites aux activités humaines, l’ISS est une vitrine de la technologie.
Leurs adversaires soulignent les coûts exorbitants. La vie de l’ISS sera prolongée
au moins jusqu’en 2020 voire 2028, mais les navettes spatiales seront abandonnées suite aux dernières décisions du président Obama. Seuls les vaisseaux Soyouz pourront emporter des astronautes
vers l’ISS avant le développement de nouveaux moyens privés (COTS), coté américain.
Le défi que l'Homme tente de relever au XXIème
siècle tient en deux questions:
Sommes-nous seuls dans
l’Univers?
Pourra-t-on un jour aller
sur d’autres planètes ?
L'Humanité porte dans ses gènes
semble-t-il un désir irrépressible d'exploration, et le souci de se survivre à elle-même.
L’Espace : l’avenir de
l’Homme ?
Plus qu’un défi technologique, c’est la naissance d’un nouvel esprit et d’une nouvelle culture.
Extraits mis en forme par le Secrétaire de l’U.P.T.C.
Remerciements aux sites ESA, NASA, JPL, CNES, Arianespace,
Roscosmos, EADS-Astrium, TAS, Ciel des Hommes, Ciel et Espace, Grotte Chauvet, société AAF, SFE, CEA, CNRS, MAE, Maison Jules Vernes, IFHE, Wikipédia , etc… pour leur images mises en
ligne sur Internet qui ont permis d’illustrer cette conférence.